Cérémonie d'anoblissement de Kamran Pradip

Toute la plus honorable noblesse du pays, ou les représentants des nobles ne pouvant venir en personne, étaient réunie dans la Salle du Trône, aménagée pour l'occasion. Les meubles avaient été enlevés et les membres de la Cour se tenaient debout, assis pour les plus vénérables, le long des murs. Au plus loin des trônes de l'Outamaraya et Son Epouse se tenaient les religieux, en chubas d'apparat. Aux pieds du monarque l'on pouvait remarquer trois lynxs blancs couchés, tenus en laisse par un serviteur, qui avaient bien grandi depuis la chasse où ils furent capturés bébés.

Puis le sujet de toute la cérémonie fit son apparition. Kamran Pradip, le Garde Royal qui sauva Sa Majesté d'une mort tragique, allait voir sa conduite exemplaire récompensée en acquérant la province de Tingri. Il portait pour l'occasion une chuba de noble et richement brodée que les mandarins de Sa Majesté lui avaient donné, lui qui ne possédait guère assez d'argent pour cela. Sa large balafre eut comme effet que certaines dames prirent une mine dégoutée, mais l'homme avançait dignement au coeur de la salle, sous les regards de la Cour, et particulièrement celui de l'Outamaraya.

A son passage, quatre religieux sortirent des rangs et se mirent à sa suite en murmurant quelque prière rituelle, tandis qu'un cinquième, vraisemblablement un Grand Maître Bouddhinste dépêché pour l'occasion par le Temple, se plaçait devant le futur noble. Il chantait une prière de louanges à la gloire de l'Outamaraya et de son sauveur, tout en jetant à se pieds des fleurs blanches de mentok. Deux gongs, de chacun des côtés de la pièce, se firent entendre et marquaient le rythme de la scène.

Les gongs se turent lorsque Kamran arriva deux mètres en face de Sa Majesté, et les prières devinrent murmures presque inaudibles. La tête baissée, il s'agenouilla devant son souverain tête baissée. Il ne la redressa que pour regarder droit devant lui, évitant toutefois que son regard croise celui de l'Outamaraya qui, lui, ne cessait de le fixer.

- Ô mon Illustre Seigneur, Ô mon Aimé Outamaraya, en me jetant à Vos pieds je Vous déclare allégeance et soumission. Ma vie ne sera que pour Vous servir Gloire Suprême.

- Toi, Kamran Pradip dit "la Balafre", par Notre Bonne Volonté, en récompense des services rendus à ton Souverain, Nous t'accordons titre de noblesse et le fief de Tingri. Par Notre Sang, Paix et Prospérité, qu'il en soit ainsi car telle est Notre Volonté. Poursuivit son suzerain. A son tour, le Grand Maître allait prendre la parole pour la bénédiction, nécessaire pour clore la cérémonie.

"Que ceux que la souffrance possède
Que ceux que les maux torturent
Que ceux aux ventres vides
Que ceux aux peines lourdes
Puissent trouver en cet homme l'espoir

Défend ton suzerain, ta foi et ton peuple
Par ma main, ma voix et ma foi
Sois béni pour cela."

- Va, et fais-toi reconnaître ! ordonna le Souverain au jeune noble. Celui-ci se leva, fit quelques pas en arrière, la tête baissée, puis se retourna. Une partie de l'assistance -les nobles de même rang ou de rang inférieur- fit la révérence sur son passage. On pouvait ouïr quelques ovations : "Vive Kamran Pradip de Tingri !" , "Gloire à Kamran Pradip de Tingri, le Sauveur de Sa Majesté!". Bienheureux, il traversait la salle. Avant de sortir il salua une dernière fois son Souverain.

- Messires, gentes Dames, la cérémonie est close, Nous disposons désormais. L'Outamaraya se leva tandis que les gens de la Cour s'agenouillaient, jusqu'à ce que leur Souverain, suivit par ses mandarins, fut sorti par la porte conduisant à ses appartements, puis ils s'égaillèrent, palabrant fort de l'événement...

- Ce balafré n'a pour seule mérite d'avoit été au bon endroit au bon moment... Un roturier au visage rocailleux, quelle misère, disait un noble à son fils.

- Oui père, il a le visage encore plus burriné que celui du Seigneur de Rusham ! Ils rièrent, puis se ressaisirent... Si un proche de Pasang Tsamcho les entendait, la colère du Seigneur serait grande, et chacun sait qu'il n'est jamais bon d'avoir une mauvaise place dans son estime...