Retour d'Oma Laghuvi

Cela faisait deux lunes que la Reine avait quitté le Palais.

Un long voyage l'avait menée jusqu'à un bozudzong perdu dans les montagnes, où elle avait fait retraite.

Ce bozudzong était connu pour la sagesse de ses bozus et une grande Statue de Lama Choeddar à laquelle on prêtait de multiples pouvoirs.
Sa renommée était parvenue jusqu'à la Reine qui n'avait pas hésité à entreprendre ce long périple, avec la permission du Très Haute Dorje Dorsel le Troisième.

La Reine avait passé dix nuits sur place, partageant ses journées entre méditation, étude des textes sacrés, et plusieurs entretiens avec le Très Sage, le plus ancien des religieux du bozudzong, un vieillard figé dans la position du mentok.
Celui-ci n'avait pas apporté de réponses aux questions qui la taraudaient - notre Destin repose dans la Main du Dieu - mais elle se sentait apaisée. Comme purifiée.
Prête à accepter la Volonté Divine, quelques qu'en soient les
conséquences sur sa vie future...

A cet instant, la Reine Oma entendit un des gardes de l'escorte annoncer à sa première suivante qu'ils approchaient du Palais.
La Reine fit un signe pour montrer qu'elle avait compris.
Elle aurait souhaité passer sa tête entre les lourds rideaux, mais elle ne pouvait plus faire de telles choses depuis longtemps...

Elle se contenta de poser sa tête sur les coussins recouverts de soie brodée, et yeux fermés, un sourire flottant sur ses lèvres, elle laissa venir à elle ses souvenirs.
Le Palais aux Cents Toits, recouverts d'ardoises d'un bleu sombre, accroché au flanc de la Montagne.
Les lambeaux de brumes où jouait la lumière, accrochés à son sommet, semblables au glorieuses bannières du Dieu Unique.
Son époux, le très Haut Dorje Dorsel le Troisième, qui s'était toujours montré bon pour elle, malgré son ventre qui refusait de porter la vie.
Et Li-Sun, la petite soeur du roi, qu'elle aimait d'un amour
quasi-maternel.

Bercée par l'évocation des souvenirs chers à son coeur, et le pas régulier des chevaux, elle s'endormit, le visage posé au creux de son bras plié.

Les quatre mandarins dépêchés dans la cour et vêtus de leur plus belles chubas s'inclinèrent aussitôt, leurs regards vers le sol, jusqu'à ce que la Reine les autorise à se redresser. Formant deux lignes de chaque côté de la voie allant du carrosse jusqu'à la porte du Palais, les gardes royaux s'agenouillèrent.

Que ce jour où les reflets du Mentok revinrent pour s'unir soit béni à jamais, dit le Premier Mandarin. Sa Majesté est heureuse que Vous soyez de retour, trop de temps s'est écoulé depuis Votre départ, départ pleuré dans tous les foyers que compte le Royaume. Nous serions honoré que nos humbles et misérables personnes Vous conduisent jusqu'à Sa Majesté Votre Royal Epoux.

La Reine était heureuse de retrouver ce lieu et son coeur bondissait dans sa poitrine à l'idée de retrouver son cher Epoux Dorje Dorsel III ainsi que la jeune Li-Sun.
Le front haut, elle traversa la cour au milieu des saluts des gardes et des serviteurs, et franchit les quelques marches qui menaient au Palais.

Dans l'immense entrée au sol recouvert de bois précieux incrusté de nacre, les serviteurs s'étaient réunis, groupe compact et silencieux, courbés, pour honorer son Retour.
Ses suivantes enlevèrent délicatement la cape qui recouvrait ses épaules et la Reine put enfin marcher jusqu'à la salle du Trône où Li-Sun et sa Majesté Outamaraya lui faisaient l'honneur de l'attendre.

Comme l'exigeait l'étiquette, elle força ses traits à conserver une expression impassible, seul son regard d'encre liquide trahissait sa joie.
Elle vit son Epoux, siégeant sur le Trône de ses Ancêtres et à quelques pas, Li-Sun qui souriait largement.
Elle s'inclina face à l'Outamaraya.
Son Epoux, insigne honneur, descendit de son trône pour venir à elle, et prenant ses mains dans les siennes, la fit se relever.
Un instant, leurs regards se croisèrent, exprimant tout l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre.

Ma Reine, fit Li-Sun en s'approchant Laissez-moi vous dire à quel point je suis heureuse de vous revoir !

Pas de cérémonies entre nous, Li-Sun ! Ah que je suis heureuse de vous revoir !
La Reine sourit en disant Chaque jour qui passe vous rend plus belle, mon amie ! Heureux sera l'homme que le Roi vous choisira comme époux !

La Reine fit signe à ses servantes d'apporter un coffre en bois de rose, à l'intérieur duquel se trouvaient des cadeaux emballés dans de la soie.

Voici pour vous Li-Sun, une peinture réalisée par les bozus. Qu'elle vous guide sur la Voie de la Sagesse.

Li-Sun découvrit alors un magnifique panneau de bois sculpté sur lequel une ravissante jeune femme jouait de la musique.

Et voici pour vous mon Epoux, fit la Reine en offrant au Roi un magnifique rouleau sur lequel les bozus avaient patiemment recopié les enseignements de Lama Choeddar.
Entre chaque textes, de magnifiques dessins passés à la feuille d'or et peints de pigments naturels représentaient les différents étapes de la Voie.

Les traits d'habitude inébranlable de l'Outamaraya semblèrent se troubler tandis que leurs mains s'effleuraient délicatement. Le présent de Son Epouse ne l'intéressait à peine, car n'étant bien peu de chose par rapport au retour de son aimée. Il posa son regard quelque secondes sur les rouleaux, accorda un léger sourire avant de faire comprendre à un serviteur de les emmener.

- Ces ouvrages de qualité seront du plus bel effet dans Notre bibliothèque...

Puis, il ajouta d'un ton moins hautain, laissant de peu apparaître extérieurement ce qu'il ressentait.

- Nos appartements semblaient bien vides durant Votre absence. Tel le Soleil avec la Lune, Nous n'avons plus de raison d'être sans Votre présence. Votre voyage ainsi que toute cette agitation ont dus Vous fatiguer, venez-donc Vous reposer.

- Qu'on Nous laisse ! Ordonna-t-il, et les suivantes, serviteurs et mandarins se courbèrent respectueusement et s'éclipsèrent de la Salle du Trône en marchant à reculons, laissant seule la Famille Royale.