Prestation de la cantatrice dastornienne

Son Eminence Chaitanya Chinmay
Grand Maître Bouddhinste et Choedaariste de Daksha
Conseiller de Sa Majesté aux Affaires Religieuses et Spirituelles

Votre Majesté,

Veuillez prendre connaissance par la présente de mon initiative d'inviter en Votre Royaume et sous mon hospitalité une jeune demoiselle originaire de Dastornia, qui pratique remarquablement l'art du chant dans un domaine nommé "opéra" et dont le Mnibet est dépourvu.

Je suis certain qu'importer cet art magnifique de beauté labiale en Votre Royaume et le faire connaître à Votre Royale Personne et à Votre Cour ne pourra être qu'intéressant autant qu'instructif et divertissant.

C'est pourquoi je vous demande de m'accorder ainsi qu'à mon hôte le privilège d'une prestation en Votre Palais en une date qui sera mienne.

Puissiez-vous apporter par votre présence sur le trône la gloire et la prospérité au Mnibet.
Que la raison guide vos pas.

Sa Majesté l'Outamaraya Dorje Dorsel III

Votre Eminence,

Nous prenons note de votre louable initiative. Nous présumons sans douter l'hospitalité dont vous fîtes preuve à l'égard de cette personnalité du chant de l'Empire de Dastornia à la hauteur de Nos valeurs. Notre Cour et Notre Personne sommes prêt à recevoir vous et votre hôte en Notre Palais ce 2 vassant durant le repas du zénith afin d'écouter ce récital encore inconnu en Nos murs.

Veuillez recevoir Nos cordiales et aimables salutations.

C'est au tout début de l'aprés midi de ce jour si attendu du récital devant la Cour Royale du Mnibet que Chaitanya Chinmay et ses plus proches disciples étaient arrivés à pied devant le Palais de l'Outamaraya, somptueux de finesse et de grandeur, surnommé parfois "le Palais aux cents toits". Mais avant d'entrer, ils attendirent avec patience, comme il se devait, l'arrivée de la cantatrice et de sa suite, prévenues du rendez-vous la veille.

Ojasvini, Indumati et leur compagne avaient passé une bonne partie de la matinée à parer la Dastornienne pour le grand jour : chaque détail, chaque pli que formait la chuba jusqu'à l'angle de l'impressionnante perruque avaient été longuement étudié par les petites mains des servantes, pour qu'elle soit en tout point parfaite. Le collier, qui laissa échapper un soupir admiratif aux Mnibétaines, fut mis en dernier lieu, pour qu'il soit bien en évidence sur la chuba.

"Tu es superbe !" lui dit Ojasvini pour la troisième fois de la journée.

La jeune cantatrice lui sourit, tendue. Se présenter devant la Cour d'un Roi n'était déjà pas chose aisée, d'autant plus que ces gens écouteraient ce genre de musique pour la première fois... Elle se répétait mentalement les notes et les paroles tout au long de l’opération, cantiques qu'elle connaissait par coeur à force, mais toujours elle gardait une appréhension tandis qu'elle descendait de la carriole à yacks.

"Merci pour tout" murmura-t-elle à ses compagnes, avant de rejoindre Chaitanya Chinmay et ses disciples.

- Nirbhay, va nous annoncer je te prie, ordonna Chaitanya à un bozu, qui alors parti en courant franchir le hall du palais, juste avant que l'invitée n'arrive à sa hauteur.

Il la salua en souriant amicalement, se courbant, les bras le long du corps et les paumes ouvertes vers elle.

- J'ai prié pour que tout se passe bien. C'est pour moi un grand moment plein de symboles, et je suis assuré que tu sauras montrer le meilleur de toi-même et de ton pays aujourd'hui. N'ai crainte, je serai là pour te soutenir. Mais avant de nous lancer, aurais-tu des appréhensions, des craintes que je puisse éclaircir ?

Maladroitement, la jeune femme imita le geste du vieux sage, veillant bien néanmoins à garder sa tête plus au moins droite pour ne pas faire glisser sa coiffe. Ses trois petites suivantes y avaient tant travaillé, il faut dire...

"Merci, Chaitanya" lui répondit-elle, veillant bien à l'appeler par son prénom comme le veut la tradition bouddhinste. "Las, je crains qu'il y ait une appréhension que tu ne peux guérir : le trac des artistes... Je donnerai le meilleur de moi-même, mais on ne m'empêchera pas de sitôt d'avoir peur." plaisanta-t-elle pour détendre l'atmosphère.

- Alors bien évidemment, il n'y a plus grand chose que je peux faire pour t'aider ! Mis à part mes plus sincères encouragements. Entrons désormais veux-tu ?

Chaitanya emboita le pas de la petite troupe, aux côtés de la cantatrice, observée par des gardes curieux. Ils traversèrent la grande cour du Palais avec ses écuries sur le côté, pour grimper les quelques marches qui amenaient à l'intérieur, dans une grande salle richement décorée. L'ambiance était bien différente du Grand Temple Nyima, avec ici ces soldats armés de mousquets, ces serviteurs courbés portant des plats, et ces hauts fonctionnaires pompeux. Ils arrivèrent enfin jusqu'à la salle préparée pour l'occasion, avec une estrade en face d'une table de banquet, entourée de la fine fleur de la noblesse, où siégeaient bien en vu l'Outamaraya, Son Epouse, Sa soeur, ainsi que les trois autres Seigneurs du Mnibet.

Prévenu par le bozu dépêché par Chaitanya, un mandarin de Sa Majesté les annonça haut, fort et distinctement :

- Son Eminence Chaitanya Chinmay, Grand Maître Bouddhinste et Choedaariste de Daksha, Oracle D'Etat, énième réincarnation de Adung Dhargye, Conseiller de Sa Majesté aux Affaires Religieuses et Spirituelles ; Dame Röschen Krenz, cantatrice de renom, ressortissante de l'Empire Autoritaire de Dastornia ; et leur suite.

Toute la Cour était réunie autour d'un banquet trés bas en forme de fer à cheval, l'Outamaraya et ses parents proches à la courbure. Ils étaient tous assis sur d'épais coussins brodés, posés à même le sol, bien qu'il fut de bois noir et verni. Pressés de satisfaire les besoins de la Cour, des dizaines de serviteurs allaient et venaient, apportant de nouveaux plats aux convives lorsque ceux-ci eut terminés. Derrière le trône, les autres mandarins de Sa Majesté veillaient à ce que tout se déroule pour le mieux, à ce que chaque Noble soit comblé, et en particulier l'Outamaraya et ses plus proches parents. Ce premier paraissait pourtant anxieux, d'une humeur plus sombre qu'à l'habitude malgré la présence de Son Epouse.

Toute la salle fit silence à l'annonce des invités, de marque semblait-il. Les sentiments des nobles se mêlaient de la curiosité jusqu'à l'aversion, selon les aprioris de chacun, selon leur ouverture d'esprit... D'un geste le Souverain fit savoir à son plus proche mandarin ce qu'il désirait, et ce dernier dit à voix haute :

- Sa Majesté va s'exprimer !

Cette fois, plus aucun murmure ne venait troubler la salle, lorsque le Monarque se leva, hautain, imperturbable.

- Nous avons ouï dire, trés chère et vénérable Eminence, que votre hôte est doté d'un organe vocal d'un timbre aussi fin et délicat que le jade. Prenez donc cette place, elle vous fut réservée aux côtés de Sa Seigneurie De Daksha, et Nous pourrons admirer ce cadeau exotique venant tout droit de l'Empire de Dastornia dont vous Nous faites la louable et intéressante grâce.

*On mange, on se divertit... Et on m'oblige à rester*, se disait Laoyang, contrariée qu'une fois encore son Royal Cousin l'ait forcé à rester à la Cour, pour ce divertissement. *La pauvre... Il ne lui a même pas parlé en face, à elle... Ce "cadeau exotique", un simple objet pour s'amuser oui !*

Prenant une grande inspiration, le coeur battant la chamade, la jeune Cantatrice pénétra dans l' "Arène" à la suite de Chaitanya, un banquet de chacals qui la toisait comme un morceau de viande exotique. Elle n'en avait cure, en fait elle évitait de croiser leur regard. Elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était cette noblesse qui réclamait une telle violence dans les condamnations, comme lui avait dit si bien Ojasvini...

La Darstonienne se plaça donc entre les deux bords du fer à cheval, veillant néanmoins à ne pas s'avancer trop loin, pour qu'aucun invité ne voit son dos : ils auraient pu considérer ça comme une insulte, un manque de respect. Une roturière comme elle ne pouvait se le permettre en pareille circonstance.

Elle écouta le discours de l'Outamaraya, puis s'inclina respectueusement. Un timbre aussi fin et délicat que le jade... Un compliment somptueux, bien qu'elle aurait préféré l'entendre après sa prestation. Finesse, délicatesse : immédiatement elle su par quoi commencer, tout en douceur pour apprivoiser l'assemblée, fraîcheur marine sur le Toit du Micromonde.

Se redressant, elle ouvrit la bouche en faisant vibrer sa pâle gorge d'une note délicate, simple qu'elle maintint un instant avant de moduler les vibrations de ses cordes vocales pour les faire monter dans les aigus. Il y eut une pause d'une fraction de secondes, puis elle la reprit avec une légère variante, une nouvelle pause et encore la même complainte trois fois de suite quand enfin on pu distinguer les premières paroles :

Ecoutez cette voix,
Qui revient de la grève.
Ecoutez ma voix,
Messagère de la mer.

Esprits de l'air,
Esprits de l'onde,
Esprits des monts,
Esprits des vaux,
Esprits des bois!

Toute l'âme de l'Omniprésent
Eparpillée sur Terrae.

Dans le ciel sans voile,
Parsemé d'étoiles,
Au sein de la nuit
Transparent et pur,
Comme dans un rêve,
Penché sur la grève,
Mon regard, oui, mon regard Vous suit
À travers la nuit!
Ma voix Vous implore,
Mon cœur Vous adore,
Mon chant léger,
Comme un oiseau semble voltiger!

Elle ne voyait alors plus ni la salle, ni les hommes ni même les titres qu'ils avaient : elle s'immergeait dans la peau de cette prêtresse du bord de mer dans la pièce de G. Beysalt EL/Bizet/EL, arrangeant le texte à sa convenance, allant parfois jusqu'à reprendre une phrase réservée au choeur pour faire le lien.

Mais j'ai juré!
Je ne peux te voir.
Alors sache :
En face de la mort,
J'ai su rester fidèle à serment
Qu'une fois j'avais fait, continua-t-elle, encore et encore.

LI-SUN ÉCOUTA LES paroles de cette personne elle était douce comme une rivière qui coule c'étais vraiment magnifique.

Chaitanya remercia l'Outamaraya en s'inclinant devant lui, et aprés avoir fait comprendre, une nouvelle fois et d'un regard, à Rosamund qu'il était confiant, il fit le tour de l'assemblée et s'asseya aux côtés du Seigneur de Daksha, le trés pieux et fervent Ti Mong. Les deux vieux amis, ces maîtres des pouvoirs temporels et spirituels de leur Canton forestier, n'eurent le temps de discuter que la cantatrice commença.

"Excellent !" se disait en lui-même le vieil homme, époustouflé par ce timbre de voix, par cette capacité a faire passer tant de sentiments et à ne plus faire qu'un avec le chant. Lorsqu'elle eut fini, il se tourna légèrement vers le souverain pour observer et écouter sa réaction, bien assuré de la réussite de Rosamund.

Dés les premières notes, l'Outamaraya cessa de se sustenter. Doux et fort, ce chant le perturbait. Jamais, jamais il n'avait pu entendre une telle mélopée. Il était comme hypnotisé par ce récital venant d'un autre monde, d'une terre lointaine et presque inconnue. La beauté de cette jeune femme, décuplée par son talent, avait également un impact sur l'opinion du Monarque, la voyant, non plus comme une simple femme, mais comme une nymphe venant des superstitions d l'ancien temps du chamanisme.

Les convives n'osèrent s'exprimer avant leur Souverain, plus de crainte de lui déconvenir que par courtoisie. L'intérêt générale était tournée vers l'Outamaraya et sa réaction. Celui-ci fit rompre l'attente.

- Continuez. Cela est de toute beauté. Continuez je vous prie.

Aux anges en découvrant la réaction du public, et surtout du maître de cérémonie, la Dastornienne s'inclina à nouveau. De toute beauté... Oui, elle avait bien choisi son entrée en la matière, mais il lui fallait désormais conserver cet intérêt tout en faisant montre de la diversité culturelle de son art ! Elle devait bien ça à Chaitanya Chinmay.

Pourtant, elle avait envie de prendre des risques, de se lancer dans l'un des registres les plus fastidieux de son répertoire par sa tension dramatique... L'Outamaraya semblait bien réagir au chant de la mer, qu'en sera-t-il des pleurs d'une mère selon Fedo Lorcinia et ses Noces de sang ? Le seul moyen de savoir était encore d'essayer, et si cela déplait elle pourrait toujours essayer d'embrayer sur un chant guerrier, qui devrait sans nul doute plaire à ces grands gaillards. Ainsi commença-t-elle une toute autre complainte, traînante, triste, emprunte de mélancolie :

Dans l'herbe, une ombre fuyante
Une serpe, dans des mains innocentes.

La lune abandonne un couteau
Dans l’air de la nuit qu’elle baigne,
Et le couteau guette d’en haut
Pour devenir douleur qui saigne.

Sur le même rythme, elle décrivit la forêt tapie de ronces traîtresses, les hommes qui se battaient sous une lune jalouse, brillant de toute sa splendeur cristalline pour mieux se repaître de leur souffrance. Puis elle prit un ton plus dur, plus terre à terre, accélérant la cadence :

Est-il juste, est-il possible
Qu'une chose si menue qu'un couteau
Qu'un pistolet, qu'une faucille
Puisse en finir avec un homme
Fort comme un taureau ?
Fort comme un taureau
Fort comme un taureau - au - oooh

Et elle monta en crescendo, citant mille armes :

Tout ce qui peut fendre
Le corps d'un homme :
Un bel homme, fleur à la bouche
Désormais larmes et cendres.
Un homme fort comme un taureau.

Mais sèche-les donc, voisine :
Je ne veux dans ma demeure
De tes plaintes mesquines,
Car seuls tes yeux pleurent !

Mes larmes à moi monteront
De la plante de mes pieds,
Seule dans ma maison,
Plus brûlantes que le sang
Elles vont sourdre de mes racines.

Regarde-moi, voisine :
Malheureuse que je suis,
Une mère sans petits,
Sans plus aucun enfant
A porter à ses lèvres.

Est-il juste, est-il possible
Qu'une chose si menue qu'un couteau
Qu'un pistolet, qu'une faucille
Puisse en finir avec un homme
Fort comme un taureau ?

Fort comme un taureau
Fort comme un taureau - au - oooh

Quand enfin elle eut terminé, sa voix se mourut petit à petit dans des gammes plus basses, pour mieux reprendre les paroles normalement réservées au choeur, qu'elle avait légèrement modifiées pour coller aux traditions locales :

Pourquoi une telle souffrance ?
Pourquoi un tel drame ?
Tu ne les as pas perdus,
Juste perdus de vue ;
Une vie se meure,
L'autre commence.

Laisse-les partir !
Continue à vivre !

L'incroyable capacité de la cantatrice à transmettre les émotions faisait merveille. Le souverain ne doutait assurément plus sur le talent de la jeune étrangère. Il aimait désormais cet art autant que ce dernier chant fut triste. Il s'exclama alors, reprenant un air impassible et indiquant des yeux sa droite.

- Qu'on fasse place !

Deux serviteurs se pressèrent alors pour installer un nouveau coussin à côté de la Reine, moins haut que celui des Epoux Royaux.

- Dame Krenz, accepteriez-vous de vous assoir à Nos côtés ? Nous aimerions que vous Nous informiez sur l'art que vous pratiquez si élégamment, sur la culture de votre pays à ce sujet.

Sur le coup, la petite fille de Novama ne su comment réagir... S'asseoir à la table d'un Roi ? Avait-il vraiment dit ça ? Etait-elle victime d'une hallucination auditive ? Abasourdie par une telle proposition, elle s'inclina à nouveau, partagée entre la fierté et une peur irrationnelle qu'elle ne pouvait s'expliquer. Elle devait vraiment lui avoir fait beaucoup d'effets pour qu'un homme aussi noble, fier propose à une simple roturière de partager son repas. Comment pouvait-on seulement penser à refuser une telle invitation ?

"C'est... C'est un grand honneur que Sa Majesté me fait là" articula-t-elle enfin. "J'accepte, bien sûr."

Bonne idée mon frère et seigneur elle mérite un t'elle honneur pour une voie pure comme la tienne.

Il serait bien restrictif de penser que cette grâce n'est due qu'à cela. Il a des choses qui t'échappent chère soeur. Qu'importe. Lui rétorqua-t-il à voix basse, avant de s'adresser à la cantatrice. Ne soyez donc pas gêné, et venez Nous parler de votre pays, de cet art que l'on nomme "opéra", des terres de votre famille, et de tant de choses que Nous écouterons avec intérêt.

"Décidément, ce jour est plein de nouveautés !" pensait, heureux, Chaitanya Chinmay en croquant un khoura frit et farci au riz. Mais l'honneur que fit l'Outamaraya s'expliquait peut-être par son ignorance du statut social de Rosamund, qui est roturière et non noble comme on pourrait le présumer...

"En vérité" avoua-t-elle en prenant place. "Il n'y a pas grand-chose à dire sur ma famille, du moins qui puisse intéresser votre auguste personne : mon père s'est tué au travail quand j'avais 7 ans, ma mère l'a suivi quelques mois plus tard... Moi et mes soeurs avons été placées dans un orphelinat, où j'ai eu la chance d'être repérée par un riche mécène, qui a fait de moi un enfant de choeur. En fait je n'ai que très peu connu mon pays, mais la chorale m'a permis d'en découvrir bien d'autres."

Elle lui adresse un sourire d'excuse, se permettant de goûter au plat en face d'elle. La cuisine était un peu épicée, mais pas mauvaise du tout.

"Quant à l'Opéra" reprit-elle quand elle n'eut plus la bouche pleine, avec une certaine passion dans la voix. "Ah, si vous saviez ! Ma petite démonstration n'est qu'une pâle imitation de cet art complexe, il se joue généralement dans des théâtres somptueux, il s'agit en fait de sortes de... pièces de théâtre chantées, disons, où les acteurs se font accompagner par tout un orchestre, et des choeurs aussi qui servent parfois de figurants. Enfin, j'y pense, comprenez-vous tout ce que je dis ? Je ne sais pas si tout ce dont je parle existe au Mnibet, je veux dire le théâtre, les choeurs, les orchestres... N'hésitez surtout pas si vous avez des questions, j'y répondrai de mon mieux."

L'Outamaraya commençait à douter sur ce qu'il croyait alors au sujet des origines soi-disant nobles de Rosamund. Qu'un noble se tue au travail ? Impensable songeait-il. Mais la présomption qu'il puisse s'agir d'un noble pauvre, probablement possible en Dastornia contrairement au Mnibet, lui venait à l'esprit. Quoi qu'il en fut, il n'eut le temps d'approfondir le sujet que la suite des explications de la cantatrice avec ces termes étranges le perturbait.

- Bien qu'ayant pu être éduqué de la façon qui sied à une personne de Notre rang, bien que trouvant plaisir à apprendre moultes cultures lointaines, certaines des notions que vous Nous explicitez Nous échappent quelque peu. Si Nous comprenons la signification du théâtre, ce divertissement issu peuple entrant parfois en Nos murs, il est assurément vrai que nous ne saisissons point à quoi correspond le terme "orchestre". Sans doute Notre soeur a-t-elle pu prendre connaissance de cela lors de son long voyage initiatique en Sainte Russlavie, n'est-il pas ? Ajouta-t-il en se tournant vers elle.

Oui cher frère j'ai vue cela la bas

- Et bien, pourrais-tu nous informer sur ce qu'il s'agit ? l'interrogea-t-il.

Devant le silence prolongé de la Princesse, qui semblait ne pas trop savoir comme l'expliquer, la Cantatrice se permit de répondre à sa place :

"En réalité, si je peux me permettre Votre Majesté, il s'agit d'un grand ensemble d'instruments de musique réunis pour jouer un même morceau. Il y a généralement des violons, altos, violoncelles, contrebasses, mais aussi des instruments à percussion comme les tambours, à vent comme les flûtes ou le hautbois, ou, heu... parfois un piano, et, et en fait je ne serais pas vous citer de mémoire tous les instruments existants, je dois vous avouer... Ils sont sous la direction d'un Chef d'Orchestre, qui harmonise la mélodie en leur faisant des signes avec une baguette, comme ça."

Elle se mit alors à imiter les gestes qu'elle les avait vu faire durant les concerts, chantonnant plus au moins le résultat que la représentation donnerait pour que les Mnibétains visualisent mieux le manège.

L'Outamaraya écoutait avec attention les explications de Rosamund. Ces noms étranges d'instruments attiraient sa curiosité, et il essayait d'imaginer, avec peine, ce qu'elle disait... Quand elle vint à imiter le chef d'orchestre, quelques rires sourds fusèrent parmis l'assistance, provoquant la colère du Souverain, qui se leva, furieux, et toisa lourdement les nobles :

C'est inadmissible ! Quelle image de Notre Royaume donnez-vous donc à cette dame ?! C'est assez, et que cela ne se reproduise d'aucune manière !

Il se rassoit alors et ajouta d'un ton plus calme.

Voilà qui est curieux. Parlez-nous de l'Empire de Dastornia. Je suppose que vous n'ignorez point qu'un Traité entre Nos nations fut récemment signé. Nous aimerions en savoir plus sur votre société, vos coutumes, et tant d'autres choses.

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