Pasang Tsamcho, le Seigneur de Rusham, fut informé de sa nomination à la tête de deux Secrétariats par un pigeon voyageur arrivé dans son Dzong d'Udantika. Sans attendre, il avait fait préparer son départ pour la Capitale. Une centaine de yacks furent rassemblés et chargés, environ 200 personnes prenaient part au long et périlleux voyage. Pasang se vêtit de sa plus belle chuba, de son couvre-chef le plus éclatant et enfourcha son noble destrier. Le cortège descendit la pente raide menant de la citadelle à la ville. Dans les rues étroites et sales, au passage du Seigneur, la population se pressait pour le voir. Cependant, par respect pour cette imposante figure, personne ne prononçait un mot. On n'entendait que le bruit des sabots des chevaux sur la poussière et les murmures des spectateurs. Ils répétaient frénétiquement le surnom donné au fils de Janghu Yonten, "vieux Khampa". Pasang ne réprima pas son sourire en entendant cet écho, les Rushamans étaient très rusés et n'avaient pas tout à fait tort...
La grande caravane quitta bientôt Udantika et son Dzong pour se diriger vers le Canton de Nidhi. Arrivé près de la frontière cantonale, on aperçut un cavalier sur une colline, non loin du sentier qu'empruntaient les yacks. C'étaient les Khampas, ils étaient venus pour Pasang et allaient assurer sa protection pendant le voyage. Après une brève entrevue avec le Seigneur et les chefs de la bande des brigands et la conclusion d'un accord, on repartit avec une bonne escorte.
Les semaines passèrent, bientôt la vue d'Ajita s'offrit à Pasang Tsamcho et sa suite. Il descendit de son cheval et fit quérir un cavalier. Il lui remit une lettre et lui ordonna de la porter à l'Outamaraya.
"Votre Majesté,
Cher et vénéré cousin,
Ayant pris connaissance de Votre Royale volonté, mon humble personne s'est mise en route pour Votre belle Capitale dès que cela me fut possible. Me voilà aujourd'hui devant Vos murs et je sollicite la permission d'entrer à Ajita avec ma nombreuse suite. Je Vous informe également que, voulant respecter Votre infinie clairvoyance et les intérêts du Mnibet, j'ai accepté Vos nominations en ma faveur.
Puisse le Ciel Vous être favorable!
Sa Seigneurie Pasang Tsamcho de Rusham"
Le Khampa empoigna le rouleau de papier et s'élança vers les portes de la grande ville tel un ouragan. Le vent froid de Rusham soufflait à présent sur Ajita...